Je fais suite à l’excellent article de Patrick DuvautEric SeullietDaniel Shavit au sujet des applications blockchain, dans la vie des entreprises.

Voici quelques points d’attention, afin d’éviter :

  • le cas où un salarié revendique des droits d’auteur auprès de son entreprise, son employeur;
  • le cas où une société A revendique des droits (des droits d’exploitation) à une société B; revendication que les sociétés n’auront pas prévue, ou
  • le cas de l’absence d’encadrement contractuel de la relation pour l’utilisation de la blockchain.

 

Voici une boîte à idées qui vous permettra de vous poser des questions dans votre projet blockchain:

  • prévoir les conditions du recours à la blockchain au sein de l’entreprise, de façon générale (ma politique);
  • envisager les règles applicables aux salariés (au global ou par projet blockchain);
  • Organiser les relations contractuelles entre les Parties (avec vos salariés A et entre les entreprises A et B).

 

Pourquoi ces conseils?

  1. La blockchain peut permettre d’identifier les contributions de chacun, dans un projet commun, rémunéré ou non rémunéré. C’est un élément de preuve. Oui, sur un plan technique et factuel. Les articles publiés reflètent parfaitement ce qu’est la blockchain.
  2. La blockchain n’affranchit pas les parties de la nécessité de rédiger un accord.  Les modalités de réalisation technique et financière (via les token) seront, eux, gérés par une blockchain. La blockchain est tout de même un terrain expérimental dans le domaine contractuel.

 

La blockchain, un contrat de services ou des contrats ?

La blockchain n’est pas auto-portante de tous les accords de volonté.

  • Cela signifie que les parties en présence devront être identifiées, nommées, leur consentement établi. Ces précautions permettront d’éviter des réclamations entre elles. Un accord de développement devrait être conclu (Entreprise A avec ses salariés) ou (Entreprise A avec Entreprise B).
  • Dans la cartographie des paramètres à prendre en compte, il faudra donc préciser quelles étaient les motivations essentielles des parties en présence (le fameux préambule souvent méconnu ou insuffisamment rédigé). Le contrat est la loi entre les Parties. A défaut de contrat, c’est le droit commun qui s’applique.
  • Votre entreprise sera alors à risque, si vous optez pour la facilité et vous oubliez de rédiger des accords exprimant la volonté, les objectifs (“the purpose”) des parties.

 

Un projet technique et contractuel

La blockchain est un projet technique et contractuel : assurément, oui.

  • Vous choisissez d’opter pour un projet collectif entre les salariés de votre entreprise et dès le départ, volontairement, vous n’identifiez pas les contributions des uns et des autres. S’il n’y a pas de revendication, il pourrait s’agir d’une oeuvre collective, réputée appartenir à l’entreprise, dès l’origine, sans nécessité d’obtenir une cession préalable ou à postériori, des droits des différentes personnes physiques qui ont contribué à la création. (article L113-2 CPI -Code de la Propriété Intellectuelle).
  • C’est cependant un risque à éviter. C’est le genre de contestation qui viendra s’ajouter à une contestation salariale pour cause de licenciement ou autre.

 

 Blockchain, droit d’auteur et salariés

  • Le principe : lorsqu’un salarié créé une œuvre protégeable par la législation sur le droit d’auteur, au sein de l’entreprise qui l’emploie, le salarié sera reconnu comme étant le titulaire des droits d’auteur sur ses créations, (article L111-1 du code de la propriété intellectuelle). Le salarié détiendra toujours le droit moral sur une création (la paternité, incessible)
  • Le contrat de travail ne peut pas aller à l’encontre de la loi et un ajout dans le contrat de travail risque même d’être néfaste à la stratégie de défense des actifs immatériels de l’entreprise. Exiger dans le contrat de travail la cession instantanée des droits d’auteur, c’est reconnaître que le salarié était employé dès le départ avec un fort potentiel de production d’oeuvres.
  • Il est souhaitable de permettre à son salarié de produire des créations, des développements et dans le même temps, de conclure un accord de cession avec son employeur, au fur-et-à mesure de la production de cette création (contrat distinct du contrat de travail).
  • La personne morale a intérêt à apparaître dans l’organisation blockchain, à l’image d’un bureau de création placé sous le contrôle et la direction de la société.

Blockchain et accords commerciaux

  • Et entre entreprises ? L’entreprise A contracte la blockchain avec un prestataire (encore un autre contrat à envisager) et participe à un projet industriel avec une entreprise B. Vous devez établir les paramètres, les objectifs essentiels pour votre entreprise (the “purpose”). Si c’est un gros projet, une gouvernance de l’activité serait souhaitable.

L’existence de la blockchain ne signifie pas que l’une des Parties ne contestera pas la valorisation de sa contribution si elle estime qu’elle n’a pas été valorisée à sa juste valeur et cela ne signifie pas que l’une des deux sociétés ne voudra pas prétendre à des droits d’exploitation exclusifs, en faisant valoir un rapport de forces sur le marché considéré.

Anticipez vos contrats pour défendre vos intérêts.

La Blockchain et la preuve

La blockchain peut permettre d’identifier à un stade avancé de maturité d’un développement, un nouveau produit ou autre et permet de figer des dates d’antériorité dans le processus de création. Au sortir du flux créatif de la blockchain, il faudra également préciser les droits et devoirs des parties sur les développements et les contreparties.

La plupart des articles décrivent la blockchain comme offrant un avantage facilitant la preuve de l’antériorité.

La blockchain peut-elle se passer de contrats?

Oui, c’est exact mais votre entreprise souffrira de l’absence de toutes les mesures, les contrats qu’elle n’aura pas mis en place, avant la mise en oeuvre de la blockchain.

Pourquoi? Le temps judiciaire est long, les lois sont contraignantes et incertaines, alors que l’entreprise a besoin d’un temps court en termes d’analyse et d’action.

C’est cette architecture contractuelle et de contexte qui sera analysée par un juge si vous avez bien pris la peine de la mettre en place. A défaut, nous autres avocats, vous demanderons où sont les contrats, les actes et, à défaut, vous devrez apporter la preuve des dates d’antériorité, des contextes, via la blockchain.

Les départements de l’innovation n’existaient pas forcément au sein de toutes les organisations, ils sont maintenant en lien étroit avec le marketing, voire le marketing est intégré au développement du produit, voire les questions légales sont intégrées dans la chaîne de valeurs et déterminent, si et quand, un produit sera mis sur le marché ou retiré (autre sujet à venir). L’organisation des entreprises change mais pas le traitement des obligations des parties.

Toujours viser le long terme.

Pourquoi ? Le risque doit être intégré dans votre processus de décision. La vente de votre société est un projet différent de celui de la mise en place de la blockchain, alors que la matière qui nourrira votre projet de vente trouve son origine dans un projet blockchain ou innovant déjà engagé ou terminé. La valorisation des actifs immatériels ne peut pas être abordée le jour de la due diligence. C’est trop tard.

D’où l’intérêt d’anticiper ces problèmes et de prévoir les actes nécessaires dans le but de préserver les valeurs créées au sein des entreprises, leurs actifs immatériels.

L113-2 du CPI : Est dite collective l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.

Céline Barbosa – Avocat – IncentAct

Celine

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